Texte publié dans le catalogue des Diplômés 2023 des Beaux-Arts de Paris by Anne-Laure Peressin
Au milieu d’images en noir et blanc. l’artiste introduit son travail par quelques mots sur la lumière qui n’est « jamais là où on l’attend ». Cette lumière est celle qui permet à ses photographies de voir le jour et de nous être montrées, d’être et de se rendre présentes à nous. Elles sont des vaches dans un pré. un visage baigné de soleil ou le regard complice d’un ami. La lumière, matière première de la pratique à l’argentique, du transfert et du tirage des images, induit et génère une existence comme une expérience d’être au monde. Ugo Casubolo Ferro éprouve cette expérience dans sa relation avec le temps. Ses images reflètent une profonde attention de cette prise du temps au temps. De cette quête ne naissent que peu d’images: elles résistent à une forme de sélection pour transmettre une « pleine solitude ». Cette solitude s’appréhende. non pas dans l’absence. mais dans son incarnation, comme ce garçon qui regarde le vide après une longue marche. dans un perpétuel balancement entre le monde commun et la solitude de l’expérience du monde. À l’épreuve du temps résonne donc l’épreuve de l’image et de la matière. qui chez l’artiste se rend manifeste dans le fait de créer une image. La posture photographique postule la présence de l’objet réel antérieurement à l’image : à la fois œuvre et mise en présence de l’objet, elle est une mise en présence de la mise en présence. D’autre part. le lexique qui entoure le « travail de la lumière » ou le « travail du négatif » éclaire un processus plus lent que l’immortalisation d’un instant. Dans cet exercice. l’artiste manipule l’image lorsqu’il la transpose dans un dialogue avec la technique à travers le geste du tirage. C’est une fusion avec la matérialité de l’image lorsqu’il couche les sels d’argent sur du papier ou le toner sur du béton. Chaque geste conjugue à nouveau la temps la lumière et la matière dans un redoublement de la présence de l’image, un concept qu’Ugo Casubolo Ferro interroge aussi dans la philosophie classique et contemporaine, à la fois par une écriture de la lumière et une écriture sur papier.
Anne-Laure Peressin, critique d’art & curatrice